Visite de la crèche St-Vincent de Paul de Québec 7 octobre 2001

Nerveuse comme ca se peut pas, on finit par arriver à Québec. Juste d'entrevoir la bâtisse, j'avais des papillons dans le ventre.

Michel...l'homme qui nous a conduit là-bas, nous explique où se trouvait la crèche proprement dite. Je suis très émue. On en prendra des photos après la visite de l'intérieur, c'est certain.

 

La réceptionniste nous indique un petit salon où l'on peut s’asseoir en attendant la religieuse qui nous fera visiter...tout ce que je souhaitais, c'était d'être guidée par une religieuse qui était présente à l'époque où je me trouvais à la crèche. Quelle ne fût pas ma surprise d'entendre demander sœur Noëllie Marchand, elle même directrice de la crèche à cette époque...on ne pouvait donc avoir meilleure guide.

Elle nous fait passer au petit salon qui nous avait été indiqué au début pour nous demander quelles questions on aurait à lui poser et qu'est-ce qu'on voulait visiter...qu'est-ce qui nous tenait à cœur de voir et pour répondre à nos questions.

On discute plusieurs minutes et je lui demande si elle se rappelle du médecin qui s’occupait de moi, car j’en ai un excellent souvenir, le Dr. Larue. Elle me sourit et me dis que c’était un homme de bonté, que, même après sa retraite, il continuait de visiter les enfants. J’ai fondue en larmes, de réaliser que mes souvenirs étaient exactes, malgré mon très jeune âge. Après notre discussion, dont vous trouverez un compte rendu plus bas, nous commençons la visite de la crèche.

Tout d’abord, près de l’entrée où nous sommes arrivé, se trouve un petit salon qui servait à accueillir les parents adoptifs… quel enfant cherchaient-ils, garçon, fille, quel âge etc.…Elle nous explique que les enfants étaient très facile à faire adopter jusqu’à l’âge de six mois environ et aussi que les filles étaient plus facile a faire adopter…bon ben ça, c’est facile à comprendre hihihihi

Nous continuons dans un grand couloir où se trouve à gauche et à droite des petites salles d’examens pour les médecins…c’est dans une de ces salles que j’ai un souvenir, celui où une infirmière me met des gouttes dans les yeux…ces gouttes me brûlent les yeux et après , c’est le noir total.

La salle ou nous avons discuté au début était une de ces salles d’examen.

Nous visitons ensuite des dortoirs. Il y en avait des petits, pour une capacité de 5 bébés environ, c’est là que les bébés malades étaient placés en isolations …j’y ai passé le plus clair de mon temps. Et les grands dortoirs eux, avaient une capacité de 12 lits environ et au centre du dortoir, se trouvait une grande table où les enfants étaient lavé et changé.

L’étage que nous visitons est celui des enfants un peu plus âgés soit entre 1 et 2 ans. J’y ai fais mes premiers pas. Sœur Marchand nous raconte avec émoi que les petits enfants tendaient les bras en quête de caresses et d’attention quand les adultes passaient.

Nous arrivons à la salle de jeux. Un des jeux favoris des enfants était de s’amuser avec de grosses boîtes de cartons pour imiter les voitures.

Nous passons brièvement devant la chambre des médecins.

Par une fenêtre sœur Marchand nous montre où se situait la grande piscine, en fait une barboteuse d’environ 20 X 30 pieds.

Nous accédons à un autre étage, semblable au premier mais pour les plus jeunes enfants, jusqu’à 7 mois environ. Et dire que j’y étais sur cette étage…oh que d’émotions !!! C’est là que, après avoir tourmenté pas mal, je réussis à convaincre sœur Marchand de se faire photographier avec moi.

Dans une autre aile, nous pouvons visiter les chambres des employées…certaines y sont demeuré jusqu’à ce jour.

Nous visitons aussi une aile de formation, une école de formation pour infirmière et puéricultrice. Je regarde attentivement les photos de ces jeunes filles et, il me vient soudainement une idée…et si je trouvais une photo de mon cher Dr Larue ?

Je regarde la photo de groupe des années 60 à 62 et OUI sa photo s’y trouve effectivement. J’en ai à nouveau les larmes aux yeux, son visage tous ces traits reflètent sa douceur. J’ai de la difficulté à détourner mes yeux de cette photo, je suis très émue.

Plus loin, nous arrivons à la résidence des religieuses et , dans le même secteur, une grande salle de couture. À l’époque, cette salle était grande comme un dortoir.

Nous accédons finalement à un endroit qui me touche particulièrement, parce que ma mère biologique s’y est trouvé, l’hôpital de la Miséricorde. Il y avait un dortoir pour les jeunes filles mères ainsi qu’une salle de séjour où elles pouvaient se détendre, tricoter etc.…

Nous arrivons enfin à la salle d’accouchement et de réveil. La sœur Marchand se place exactement à l’endroit où se trouvait la table d’accouchement. Je m’y place aussi et demande à mon mari de filmer ça. C’est très touchant car, c’est vraiment un endroit où ma mère et moi sommes passé ensemble, au même instant.

Derrière cette table, quelques pieds plus loin, se trouvait la salle de réveil.

Et devant… " l’estrade " pour les spectateurs. En fait, l’hôpital Miséricorde était un hôpital universitaire…les médecins étant des professeurs d’université qui venait faire pratiquer leurs élèves sur nos mère. Je savais déjà que n’importe qui voulait entrer dans la salle d’accouchement pour voir le "  spectacle " pouvait le faire. La pauvre mère n’avait pas un mot à dire à ça….Bien sûr, je suis consciente que les étudiants doivent bien apprendre à quelque part, mais quand on y pense comme il faut… d’imaginer ta propre mère devoir subir des examens en séries pour permettre aux internes de pratiquer…ça me bouleverse. Qui ne le serait pas à l’idée que sa propre mère ait servit de cobaye ???

 

Nous visitons par la suite une petite salle où les médecins pouvaient prendre leur déjeuner.

Et nous terminons la visite par la chapelle où nous étions baptisé. Les mères de d’autres confessionnalité religieuse avait le choix de refuser ce baptême.

QUESTIONS :

 

Comment ça se passait pour les mères biologiques

Jusqu'en 1973, elles étaient hospitalisées à l'hôpital Miséricorde, affiliée à la crèche. Par la suite, elles étaient divisées dans 4 pavillons, selon leurs âges. Onze à quinze ans; seize à dix-sept ans; dix-huit à vingt ans et , finalement, vingt ans et plus. Sœur Marchand nous raconte l’horrible histoire d’une jeune fille de 11 ans qui s’est vendue à un homme dans la soixantaine pour quelques chocolats.

Les mères biologiques payaient-elles une pension pour leurs bébés?

Non. Par contre, elles avaient la possibilité d'aider à la crèche en pliant des couches par exemple, ou en s'occupant des enfants plus vieux qui avaient environ 2 ans. Elles emmenaient les enfants dans la grande barboteuse entre autre.

 

Quel était le rôle de sœur Marchand ?

Elle visitait les jeunes mamans, après leurs accouchement, pour les  aider à abandonner leurs enfants. Elle nous avoue que c'était une tâche bien pénible, la plus difficile qu'elle ait eu à faire. Dans certains cas, elle devait aller voir des mères à plusieurs reprises pour les aider.

Elle nous explique aussi que elle demandait aux mères quel nom elles voulaient donner à son bébé.

Sœur Marchand nous explique aussi que l’enfant appartenait toujours à la mère et nous explique un cas ou une mère est revenue chercher son bébé 9 mois après sa naissance et que, malgré que celui-ci était déjà adopté depuis trois mois, la maman a gagné sa cause.

Le papier d’abandon que la mère signait, était-ce un papier légale, est-ce que c’était passé devant un juge?

Premièrement, il ne faut pas dire un acte d’abandon…c’est pas bien le mot abandon…il faut dire que la mère signait un PERMIS D’ADOPTION. Et oui c’était légale, la communauté possédant ses propres avocats.

Pour se qui est du " jeux de mots, " abandon…adoption ", je n’ai pu m’empêcher de répondre que, pour ces mères qui souffraient et qui avaient beaucoup de peine de laisser leurs bébés, c’était bel et bien un acte d’abandon…sœur Marchand n’a pu faire autrement que de m’approuver.

La mère avait 6 mois pour se rétracter. Mais, aux dires de sœur Marchand, s’il n’y avait aucunes nouvelles de la mère et que l’enfant était très en demande, l’adoption se faisait.

Qui était les parrains et marraines?

Les parrains c’était l’état.

Les marraines étaient prises parmi les infirmières, les religieuses n’ayant pas le droit de l’être.

POURQUOI??? À cause de leur vœux de pauvreté. Je ne comprend pas le rapport je lui dis. Et elle de me répondre que la marraine a pour responsabilité de voir au besoins matérielle de l’enfant (c’est drôle quand même, on m’a toujours appris que la marraine devait veiller au besoin spirituel en premier) et qu’elle est trop pauvre pour ça, et là elle se lève et vide ses poches pour en sortir quelques pièces de monnaies pour nous prouver sa pauvreté.

Je lui ai dis que la pauvre infirmière ne pouvait pas plus voir au besoin de ces enfants. Elle m’explique qu’il était très rare que les parents adoptifs revenaient sur l’infirmière pour pourvoir au besoin de l’enfant, par contre, ils l’auraient peut-être fait à une religieuse….en fait, c’était simplement une protection d’ordre juridique…je me demande si la pauvre infirmière qui signait pour être marraine connaissait l’impact réel du service qu’elle rendait ce jour-là.

La bonne tenue des dossiers médicaux des enfants

Les dossiers étaient très bien tenus, les enfants étaient visiter chaque jours par un médecin. Je peux vous affirmer qu’il est vrai que les dossiers étaient bien tenus, j’ai moi-même en détails tous les traitements reçus …ces dossiers ont été placé sur micro-films.

Comment était financé la crèche?

Le gouvernement octroyait un gros huit sous par jour par enfant.

Les religieuses qui travaillaient comme enseignantes ou autre apportaient leurs salaires.

D’autres devaient quêter la population pour avoir des vêtements et de la nourriture…les gens collaboraient bien…mais la sœur Marchand trouvait très humiliant de solliciter les gens comme ça.

Certaines mères apportaient des vêtements pour leurs bébés.

Et la communauté avait à elle une très grande ferme.

Par contre, la denrée la plus difficile à avoir était le lait…on imagine facilement ce fait, avec 800 bébés et enfants en bas âges, la difficulté que ça apportait.

Les bébés étaient garantis 6 mois.

Sr Marchand explique que , quand les enfants avaient des besoins spécifiques, comme dans le temps du fameux médicaments que certaines mères ont prit et qui rendait l’enfant handicapé…le trilomide je crois…des petites bottines spéciales en autre étaient fournies.

La capacité de la crèche.

Sur quatre étages on retrouvait 800 lits au total. Des petits lits blancs qu’elle nous dit…un autre souvenir de confirmer…je me rappelais très bien que j’avais une bassinette blanche. Je dois avouer que ça me touche et bouleverse beaucoup de voir tour à tour, mes souvenirs être confirmés de la sorte…je n’avais que 16 mois à mon adoption…je suis toujours impressionnée de me rappeler de tout ça.

 

 

L’accouchement des mamans.

Les jeunes filles avaient le choix d’être anesthésiées localement ou généralement.

Étaient présent à l’accouchement le médecin, un anesthésiste et l’assistant du médecin…et …comment oublier les " spectateurs ".

La communauté des sœurs du bon pasteur

Cette communauté fut fondée dans le but d’aider les jeunes filles en difficulté.

Mis à part les filles mères, ces religieuses recevaient des ex-détenues et des personnes en difficulté d’apprentissage ou illettrées.

Encore aujourd’hui, elles viennent en aide à des filles mères ou autres personnes ayant besoin d’aide.

La visite étant terminée…ça nous a pris pas loin de 3 heures… nous retournons dehors pour faire le tour du bâtiment et prendre des photos …d’ailleurs toutes ces photos seront placées dans ma communauté pour partager avec vous cette visite.

Nous allons également voir l’autre crèche de Québec, La crèche du Mont D’Youville qui est maintenant devenu le Centre Jeunesse de Québec.

Si vous visitez une crèche un jour, sachez ceci…il faut toujours se montrer content de tout, d’accord avec tout…les religieuses sont sous la défensive, s’est très évident. En agissant ainsi, nous pouvons obtenir des renseignements pertinents.

Si vous connaissez des femmes qui ont vécu leur expérience à l’hôpital de la Miséricorde de Québec, et qu’il vous est possible de lui faire lire ce récit, j’aimerais vraiment avoir leurs commentaires…je crois que on en apprendrait des choses.

 

Merci beaucoup à vous Sr Marchand de nous avoir si bien raconté les faits et d'avoir fait revivre pour nous, une partie de notre histoire.